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Greffes d’organes – Entre exploits et pénurie

Les récentes et spectaculaires transplantations d’œil ou de face ne doivent pas faire oublier les difficultés auxquelles sont confrontées les greffes plus routinières telles que le manque de greffon et le risque, toujours bien réel, de rejet.

 

L’année 2023 a été riche en exploits dans le domaine des greffes. En septembre, un larynx a été greffé pour la première fois aux Hospices civils de Lyon, après une intervention de 27 h réalisée par une équipe de 12 chirurgiens. La patiente pourrait retrouver l’usage de la parole, après l’avoir perdu pendant 20 ans. En mai, une équipe new-yorkaise parvenait à transplanter un visage presque entier et un œil complet alors que, jusqu’à présent, seule la cornée pouvait l’être.

Depuis la première greffe faciale réalisée en France en 2005, une cinquantaine de greffes de la face ont été réalisées à travers le monde. « Ces greffes dites vascularisées impliquent la greffe de plusieurs sortes de tissus différents (peau, muscles, os…) et la reconnexion de tout petits vaisseaux », explique le Pr Michel Tsimaratos, directeur scientifique à l’Agence de la biomédecine. Quelles prouesses ! On se prend à rêver qu’il n’y ait plus rien d’impossible en matière de greffes. Mais dans l’ombre de ces exploits, l’activité de greffes de routine, elle, continue de rencontrer des obstacles majeurs.

En routine, tout n’est pas rose !

En 2022, 5 494 personnes ont été sauvées grâce au don d’organes, selon l’Agence de la biomédecine. Voici les organes les plus greffés : rein (3 376), foie (1 294), cœur (411), poumon (334), etc. Mais l’activité n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant Covid, période pendant laquelle de nombreuses greffes ont été reportées. Par ailleurs, cela reste encore bien trop peu au regard des 11 000 personnes qui sont sur la liste « active », c’est-à-dire en attente de greffe en urgence. Depuis le début des années 2000, le nombre de personnes en attente progresse beaucoup plus vite que celui des greffes effectuées (voir encadré ci-dessous).

Trop de refus de don d’organe

Le manque de greffon est un problème récurrent. Si, en principe, nous sommes tous donneurs au moment de notre décès, dans les faits, les médecins se tournent vers la famille et les refus sont fréquents. L’absence de communication est le nœud du problème : 80 % des Français sont favorables au don de leurs organes après leur mort, mais seuls 47 % en ont informé leurs proches. Un plan d’action annoncé en mars 2022 vise à augmenter le nombre de greffes à partir de donneurs vivants. La France espère ainsi atteindre 20 % de donneurs vivants en 2026, versus 16 % actuellement. Ce plan a aussi pour objectif une hausse de 40 % du nombre total de greffes.

La crainte du rejet

Par ailleurs, le rejet reste le principal obstacle au succès dans le temps des transplantations. « Lorsque j’ai commencé les greffes il y a 20 ans, j’étais persuadé que l’on trouverait le traitement qui permettrait de ne plus avoir besoin d’immunosuppresseurs. On ne l’a pas encore trouvé », pointe le Pr Laurent Lantiéri, chef du service de chirurgie plastique à l’Hôpital européen Georges-Pompidou, qui a opéré Jérôme Hamon, « l’homme aux trois visages », en 2010 puis en 2018 à la suite d’un rejet. L’introduction dans le corps d’un organe extérieur déclenche immédiatement une réaction immunitaire, comme s’il s’agissait d’un corps étranger : c’est le rejet dit aigu. Il ne se produit plus que dans 10 % des cas aujourd’hui grâce aux grands progrès des traitements immunosuppresseurs.

Mais si la greffe semble être bien acceptée au cours des premiers mois, il arrive que les réactions de rejet apparaissent plusieurs années après : c’est le rejet dit chronique. C’est lui qui embarrasse le plus les patients et leurs médecins. Pour contrer ce risque permanent, la personne greffée doit prendre des traitements immunosuppresseurs à vie. Malgré cela, le rejet se produit, par exemple chez 50 % des greffés cardiaques dans les 7 ans qui suivent la greffe. « À cause de ce vieillissement précoce du greffon, l’organe peut ne plus fonctionner au bout de quelques années, dit le Pr Lantiéri. Certains patients devront être greffés 2, 3 ou 4 fois au cours de leur vie. »

Les listes d’attente s’allongent

Évolution du nombre de personnes greffées et de celles inscrites sur liste d’attente entre 1999 et 2019


Source : Collectif Greffes +

Sophie Cousin

Sophie Cousin

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