Les cours de l’énergie ayant commencé à grimper il y a maintenant un an, la différence avec les tarifs actuels s’amenuise. Ce n’est pas le cas des produits alimentaires. Selon notre indice, l’inflation est de 6,1 % pour ce mois de juillet.
La guerre en Ukraine n’est pas la cause initiale de l’inflation, bien qu’elle l’ait aggravée. Les prix ont commencé à monter il y a déjà un an, avec la reprise des échanges mondiaux. Lorsque les différents pays ont commencé à alléger leurs mesures sanitaires et à rouvrir les frontières, la demande a très vite grimpé. Ce redémarrage de l’économie n’a pas été fluide : la remise en route du trafic maritime mondial s’est avérée laborieuse, comme en témoignent les images des embouteillages de porte-containers à l’entrée des ports. Le rétablissement de restrictions sanitaires drastiques en Chine a périodiquement ajouté à la confusion. La spéculation a fait le reste. Résultat, une tension sur les matières premières, l’énergie en tête (pétrole et gaz).
Cette situation explique des taux d’inflation légèrement moins élevés en juillet qu’en juin pour le fioul, l’essence, le gazole et le gaz, selon l’indice de l’inflation établi chaque mois par l’UFC-Que Choisir. Les prix continuent bel et bien d’augmenter, mais ils sont comparés à des prix déjà en hausse il y a un an.
- Fioul : hausse de 82 % en juillet 2022 par rapport à juillet 2021, contre + 92 % en juin 2022 par rapport à juin 2021
- Gazole : hausse de 36 % en juillet 2022 par rapport à juillet 2021, contre + 50 % en juin 2022 par rapport à juin 2021
- Essence : hausse de 24 % en juillet 2022 par rapport à juillet 2021, contre + 39 % en juin 2022 par rapport à juin 2021
- Gaz : hausse de 28 % en juillet 2022 par rapport à juillet 2021, contre + 39 % en juin 2022 par rapport à juin 2021
Reste à savoir si la persistance du conflit russo-ukrainien au cours des prochains mois, et les menaces de la part de la Russie de fermer le robinet de gaz à l’Europe, provoqueront une nouvelle flambée des tarifs à l’approche de l’hiver, et de quelle ampleur.
L’INFLATION ATTEINT 7 % DANS L’ALIMENTAIRE
La flambée générale des prix alimentaires est beaucoup plus récente, même si des hausses ponctuelles ont eu lieu pour certaines céréales (blé dur, orge de brasserie, maïs) dès l’an dernier, liées à des accidents climatiques. Ainsi, une grave sécheresse au Canada à l’été 2021 ayant provoqué un effondrement de la récolte de blé dur, alors que ce pays est le premier producteur et exportateur mondial, le prix de cette céréale s’est durablement maintenu à un niveau élevé dès septembre dernier.
En revanche, la forte hausse générale de toutes les céréales et des oléagineux (colza, tournesol) est directement provoquée par la guerre en Ukraine – elle débute donc fin février. Même si elle est boostée par la spéculation, cette flambée des prix reflète aussi la crainte de pays dépendants des importations de matières premières agricoles de ne pas être livrés. Et elle risque fort de perdurer au cours des prochains mois, voire des prochaines années. Sa répercussion sur les tarifs de nos aliments ne fait que débuter. L’inflation sur les produits alimentaires (en drive) atteint d’ailleurs 7 % en juillet par rapport au même mois de l’année précédente, après + 5,6 % en juin et « seulement » + 4 % en avril.
PAS DE HAUSSES INJUSTIFIÉES, MAIS QUELQUES « PRATIQUES CONTESTABLES »
Face aux inquiétudes suscitées par la cherté des aliments et aux suspicions de spéculation, la commission des Affaires économiques du Sénat a enquêté sur l’origine de l’inflation des produits de grande consommation. Dans un communiqué du 20 juillet, les sénateurs se veulent rassurants : il ne semble pas y avoir de « hausses injustifiées » des tarifs, et « les demandes de hausses de prix sont largement liées à la flambée spectaculaire du coût des matières premières », expliquent-ils. Néanmoins, « quelques pratiques contestables » ont été relevées : par exemple, « certains distributeurs augmenteraient les prix en rayons alors même qu’ils ont refusé, en amont, les hausses de tarifs qui leur étaient demandées » par leurs fournisseurs. D’autres enseignes « gagneraient du temps en laissant les renégociations de tarifs d’achat s’éterniser, afin de s’approvisionner à l’ancien tarif, moins élevé ». Certains fournisseurs ne sont pas en reste : « des hausses de tarifs pour un même produit (les eaux minérales, les glaces, les bières) peuvent aller du simple au triple d’un industriel à l’autre ».
Dans tous les cas, l’inflation devrait poursuivre sa hausse, pour atteindre entre 7 et 10 % à la rentrée. Espérons qu’il s’agisse d’un pic avant la décrue.
LA HAUSSE RESTE PLUS FORTE POUR LES PLUS MODESTES
Comme les mois précédents, l’inflation pèse plus lourd pour les 20 % des ménages les plus modestes, avec une différence notable par rapport aux 20 % les plus aisés : + 7,1 % de hausse pour les premiers, contre 5,2 % pour les seconds.
Pour les ménages modestes, l’alimentation et l’énergie pèsent 36 % du budget, une proportion élevée alors même que ces deux postes de dépense sont les plus inflationnistes. Conséquence, il leur faut « sortir » 1 400 € de plus pour les mêmes achats qu’il y a un an, pour un revenu annuel moyen de 20 000 €.
Pour les plus aisés, l’alimentation et l’énergie ne pèsent « que » 25 % du budget. Le supplément à payer est de 3 000 €, mais pour un revenu disponible de 90 000 €.
MÉTHODOLOGIE
Que Choisir évalue le taux d’inflation mois par mois, à partir de ses propres observations. Pour près de 40 % des dépenses de consommation, nous disposons de données permettant d’évaluer des variations mensuelles de prix, basées sur nos relevés effectués en grandes surfaces (pour l’alimentation, la boisson et l’hygiène-beauté), ainsi que sur les offres tarifaires tirées de nos comparateurs de prix (énergie, carburants, mutuelles, forfaits mobiles, fournisseurs d’accès à Internet, assurances habitation, banques, équipements électroménagers). Chaque prix est ensuite pondéré par la fréquence d’achat et agrégé dans une moyenne générale.
Pour les autres postes de dépenses (loyer, dépenses de logement et de transport, hôtels et restauration, loisirs, habillement et santé), Que Choisir se réfère aux évaluations de l’Insee.
Attention : par convention, les variations de prix sur une période (par exemple pour le mois de mai 2022) sont calculées par rapport à la même période de l’année précédente (le mois de mai 2021). Ceci afin de s’affranchir des mouvements saisonniers des tarifs (par exemple ceux des fruits et légumes, très dépendants de la saison et des conditions de récolte).
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Elsa Casalegno
Grégory Caret
Observatoire de la consommation