Si les 29 stations de montagne arborant le label Flocon vert s’inscrivent dans une démarche vertueuse, n’imaginez pas y skier écolo. Décryptage d’un des labels du développement durable.
« Écoresponsable », « engagée pour l’environnement », « durable »… que ce soit dans leurs brochures, sur leur site Internet ou sur les pistes, les stations de ski françaises ne perdent pas une occasion de mettre en avant les mesures qu’elles prennent en faveur de la protection de l’environnement. « L’adaptation au réchauffement climatique est au cœur de la stratégie de toutes les stations de montagne », assurait même Jean-Luc Boch, le président de l’Association nationale des maires de stations de montagne (ANMSM), en ouverture de la conférence de presse lançant la saison 2024-2025. Sur les 300 domaines skiables français, 29 ont même décroché le label Flocon vert qui récompense depuis 10 ans les stations engagées dans une démarche de développement durable (1). Porté par l’association française Mountain Riders, connue, entre autres, pour ses opérations de ramassage de déchets en montagne, il est attribué pour une durée de 3 ans par un comité de labellisation composé de 8 membres issus d’horizons divers, au terme d’un processus de 12 à 18 mois. Le nombre de flocons attribués, de 1 à 3, dépend du niveau d’engagement du territoire.
Un label qui pousse à la réflexion
Si le label Flocon vert peut être un repère pour les amateurs de montagne sensibles à la protection de l’environnement, il ne doit en aucun cas être pris comme un blanc-seing pour skier sans remords. De fait, à l’instar de leurs voisines, les stations Flocon vert ont recours à des enneigeurs (ou canons à neige), creusent la montagne pour aménager de nouvelles pistes et coulent du béton sur les sommets pour y installer des télécabines. Vous pouvez également y trouver, comme ailleurs, des bâtiments qui se révèlent être des passoires thermiques, des chaînes de fast-food, des soirées techno en haut des pistes, et même y voir sortir de terre des centres aquatiques, des résidences de luxe ou des parkings.
Et pour cause, sur les 68 critères répertoriés dans le cahier des charges, seuls 18 sont en lien direct avec la préservation des ressources et la protection de la biodiversité. Et encore, toutes les actions allant dans ce sens ne sont pas visibles du grand public. Ainsi, un territoire qui dispose de données précises sur l’utilisation des différents modes de transport, qui connaît le taux d’artificialisation de ses sols ou qui adopte un plan de réhabilitation du bâti gagnera des points qui l’aideront à décrocher le label.
Surtout, le Flocon vert se donne une mission bien plus large que la seule protection de l’environnement. Le fait qu’une station propose une offre touristique sur les 4 saisons, que des commerces restent ouverts toute l’année, qu’un marché de producteur soit organisé ou encore que les cantines s’approvisionnent auprès d’agriculteurs locaux compte pour l’obtention du label, par exemple. Le spectre, très large, touche aussi bien à la gestion des risques, à l’emploi et à l’aménagement du territoire qu’à l’accueil des personnes en situation de handicap, à la culture ou à la participation citoyenne.
Deux pas en avant, un en arrière
La méthode Flocon vert aussi est spécifique, dans le sens où elle ne s’appuie pas sur des objectifs précis que devraient respecter toutes les stations, mais sur des recommandations personnalisées fixées en tenant compte des spécificités et des ambitions de chaque territoire. Ainsi, rien n’empêche, par exemple, une station d’étendre son domaine skiable, de construire de nouvelles résidences haut de gamme ou de proposer du ski sur glacier l’été tant que d’autres mesures plus positives sont prises en parallèle. Même le fait d’installer de nouveaux enneigeurs et de créer une retenue collinaire pour les alimenter en eau n’est pas rédhibitoire, à condition toutefois que des précautions soient prises pour ne pas trop porter atteinte à la ressource en eau et à la biodiversité.
« L’obtention du label est une motivation et un signe visible de l’engagement, mais ce qui compte le plus, c’est le suivi que nous mettons en place pour accompagner les territoires dans leur transition, explique Coline Dournes, responsable du Flocon vert chez Mountain Riders. Des réunions et des visites sont menées régulièrement sur le terrain, des webinaires et des échanges de bonnes pratiques sont organisés. Nous surveillons aussi de près les décisions prises par les élus et réévaluons régulièrement les objectifs, avec pour ambition de tirer l’ensemble du territoire dans le bon sens. » « Décrocher le Flocon vert n’est pas une fin en soi, mais plutôt un moyen de fédérer les acteurs du tourisme autour d’un objectif commun et de nous donner une démarche pour y parvenir », confirme Hervé Villard, vice-président à la transition écologique à la communauté de communes de la vallée de Chamonix, qui ne cache toutefois pas son ambition de devenir le premier territoire à décrocher les 3 flocons.
Des effets mesurés, mais réels
Au final, si les initiatives prises dans le cadre de la démarche Flocon vert peuvent paraître insuffisantes, elles n’en sont pas moins réelles. Ainsi, depuis qu’elle a son premier flocon, Tigne déneige ses routes avec des noyaux d’abricot plutôt qu’avec du sel et utilise des dameuses électriques sur les bords des pistes (leur autonomie ne serait pas suffisante pour aller jusqu’en haut). À Val d’Isère, des bus électriques remplacent progressivement ceux au gasoil et à Valloire, le Salon du 4 x 4 se transforme peu à peu en Salon du voyage. Sans parler des bilans carbone et des plans de transition qui tendent à se multiplier. Même les plus dubitatifs ont revu leur jugement sur cette démarche de labellisation. « Au début, nous avions une certaine défiance vis-à-vis de Mountain Riders et du Flocon vert, reconnaît Alain Machet, président de l’association de protection de la nature Vivre en Tarentaise. Mais force est de constater que la démarche pousse les stations à réfléchir à leur avenir et à s’organiser pour mener à bien leur transition. »
Le pouvoir limité des stations
De tous les aspects, c’est incontestablement le transport qui pèse le plus sur le bilan carbone d’un séjour au ski. Or, sur ce point, les communes n’ont que peu de poids. Certes, elles peuvent stopper leurs campagnes de promotion dans les destinations lointaines ou inciter les touristes à délaisser leur voiture, mais sans la mise en place d’une offre alternative viable (le train dans la plupart des cas), leurs efforts seront limités. Il en est de même pour le logement et la restauration. Poussées par les équipes de Flocon vert, les stations tentent d’inciter les propriétaires à isoler leurs bâtiments et recommandent aux restaurateurs de s’approvisionner auprès de producteurs locaux, mais là encore, sans la bonne volonté de leurs interlocuteurs, leur pouvoir reste modeste.
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(1) Les stations ayant le label Flocon vert :
1 flocon : Font-Romeu, Combloux, Les Angles, Cordon, Le Grand Bornand, Morzine-Avoriaz, Valloire, Tignes, Belleville, Val Cenis, Saint-François-Longchamps, Megève, Val d’Isère, Chamrousse, Les Contamines-Montjoie, Passy, Crest-Voland Cohennoz, Les Saisies, La Rosière, Auron, La Plagne.
2 flocons : Saint-Gervais, Valberg, Vallée de Chamonix, Châtel, Les Arcs, Les Rousses, Lans-en-Vercors, Arêches-Beaufort.
3 flocons : aucune.
Les nouveaux élus seront dévoilés le 12 décembre 2024.
Cyril Brosset