Se passer de crèmes solaires sous prétexte qu’elles renfermeraient des ingrédients dangereux et nous priveraient de vitamine D, c’est la nouvelle tendance repérée sur le réseau social TikTok. Des arguments fallacieux alors que le risque d’une exposition sans protection est, lui, largement prouvé.
Sous les hashtags #antisunscreen, #nosunscreen ou #toxicsunscreen, une nouvelle lubie imaginée par des influenceurs incite à se passer totalement de crème solaire. Selon ces spécialistes autoproclamés, ces cosmétiques seraient composés de substances chimiques dangereuses pour la santé et priveraient la peau de vitamine D.
Une des figures de ce mouvement, la TikTokeuse américaine Shannon Fairweather, l’annonce sans détour : « Je n’applique littéralement aucune crème solaire et oui, j’attrape des coups de soleil, mais je refuse de priver ma peau des rayons curatifs du soleil. » Sans crainte de se contredire, elle dévoile tout de même une solution pour bloquer les UV : l’huile de noix de coco qui, selon elle, « fonctionne à environ 30 % aussi bien que l’écran solaire, sauf que vous ne vous enduisez pas de produits chimiques ». D’où vient cette estimation de 30 % ? Mystère.
Autres arguments largement utilisés : les crèmes solaires contiendraient « de nombreuses substances chimiques nocives dont on a la preuve qu’elles provoquent le cancer » ce qui est « terrible pour votre peau ». Parfois, des précisions sont supposées crédibiliser les conseils : il conviendrait « d’éviter les crèmes » avec un nom autre que « zinc » car elles sont toutes « potentiellement cancérogènes ». Certains discours prêteraient à sourire s’il ne s’agissait pas de la santé des abonnés, comme celui de cet internaute qui explique ne pas mettre sur sa peau ce qu’il ne mangerait pas ou ne pourrait pas prononcer et ne pas bloquer la synthèse naturelle de vitamine D.
De fait, la vitamine D, synthétisée sous l’effet des UV, nous est indispensable. Mais une exposition quotidienne de 10 à 15 minutes du visage et des bras suffit. Quant aux arguments liés à la prononciation ou à l’ingestion, ils montrent le niveau affligeant de certains contenus sur les réseaux sociaux. On pourrait en conclure que ces personnes mangent du savon et bannissent tous les cosmétiques au beurre de karité ou à l’aloe vera dont les noms scientifiques, butyrospermum parkii butter extract et aloe barbadensis extract, sont difficilement prononçables… Plus sérieusement, la consommation de carottes, un temps réputée préparer la peau au soleil, et les compléments alimentaires au bêtacarotène ont démontré leur inefficacité, de même que les solutions naturelles comme l’huile de coco en guise d’écran protecteur.
En France, le cancer de la peau est en forte augmentation
Adopter ces conseils, c’est mettre sa santé en danger. Chaque année, on dénombre en France pas moins de 100 000 nouveaux cas de cancer de la peau, c’est le cancer qui connaît la plus forte augmentation ces dernières décennies. Depuis 1990, le nombre annuel de mélanomes diagnostiqués a été multiplié par 2,5 chez la femme et par 4,5 chez l’homme. Or, l’exposition aux rayons UV est le facteur majeur d’apparition de ces cancers.
Il est vrai que certains filtres solaires sont soupçonnés d’effets néfastes sur la santé, c’est le cas par exemple de l’octocrylène ou de l’homosalate, aux noms d’ailleurs parfaitement prononçables. Mais vous pouvez aisément les éviter en vous fiant aux résultats de notre test de crèmes solaires ou en utilisant notre application QuelProduit.
Les crèmes disponibles sur le marché présentent la plupart du temps une composition sûre et la grande majorité de celles que nous testons chaque année bloquent efficacement les rayons solaires. Elles demeurent un élément majeur de la protection contre les effets nocifs des UV, ce qu’a d’ailleurs rappelé l’Ordre des chimistes du Québec dans un récent communiqué : « Nous observons la propagation de ces fausses informations concernant la crème solaire. […] Il est crucial de se fier à des données scientifiques solides et de rejeter les discours basés sur la peur. Les crèmes solaires sont développées pour protéger la peau des effets nocifs des rayons ultraviolets (UV) du soleil. Les ingrédients actifs, qu’ils soient minéraux ou chimiques, agissent en absorbant, reflétant ou dispersant les rayons UV. Les recherches scientifiques démontrent l’efficacité et la sécurité de ces ingrédients lorsqu’ils sont utilisés conformément aux instructions. »
Gaëlle Landry
Rédactrice technique