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Expertise amiable et expertise judiciaire – Quels sont vos droits ?

L’expertise constitue un moyen de preuve technique. Néanmoins, de nombreuses questions se posent à ce sujet. Comment obtenir une copie du rapport ? Vaut-il mieux faire une expertise judiciaire ou une expertise à l’amiable ? Comment contester le rapport d’expertise ? Qui paie l’expert ? Où en trouver un ? Nos réponses à partir de situations concrètes.

 

1. Ma voiture a été expertisée à la suite d’un accident. Je peux obtenir une copie du rapport de l’expert avant d’accepter l’offre d’indemnisation de mon assureur.

 Vrai  Pour vérifier que votre contrat couvre le sinistre, l’assureur peut faire appel à un expert. La mission de l’expert automobile a plusieurs objectifs : identifier le véhicule, déterminer les causes du sinistre, établir les réparations à effectuer sur le véhicule et évaluer leur coût. Il s’agit de constatations et d’appréciations techniques. L’expert automobile a également une mission qui lui est assignée par la loi : évaluer la dangerosité d’un véhicule et sa capacité à rouler en toute sécurité. En revanche, le médiateur des assurances rappelle qu’il n’appartient pas à l’expert d’en tirer des conséquences juridiques comme se prononcer sur la mise en œuvre d’une garantie ou apprécier la validité d’une clause d’exclusion.

En matière de sinistre automobile, la réglementation prévoit expressément que l’expert doit transmettre le rapport au propriétaire du véhicule sans qu’il ait à en faire la demande. À défaut, vous pouvez le mettre en demeure de le faire par lettre recommandée avec accusé de réception.

 Bon à savoir  La communication du rapport n’est pas toujours prévue par la réglementation. Parfois, la réglementation impose la remise d’office du rapport (par exemple en matière automobile, en dommages-ouvrage…). Lorsque ce n’est pas le cas (multirisque assurance habitation par exemple), il faut se référer au contrat qui peut prévoir la remise du rapport quand l’assuré en fait la demande. À défaut, sachez que les obligations déontologiques de vos interlocuteurs ou les règles de preuve du droit civil vous permettront d’en exiger la production.

→ Lettre type de Que Choisir : Communication du rapport d’expertise en cas de refus d’indemnisation

2. Ma maison réceptionnée il y a 3 ans présente des malfaçons. Pour défendre mes droits, il vaut mieux recourir dès à présent à une expertise judiciaire.

 Vrai  et  Faux  Vous pouvez saisir un juge, même hors de tout procès, par le biais d’un référé-expertise. Il s’agit d’une procédure d’urgence visant uniquement à la désignation d’un expert. Cette expertise pourra être utilisée au cours d’un futur procès, si nécessaire.

L’expertise judiciaire n’est pas de droit. Elle peut vous être refusée. Il faut donc convaincre un juge qu’il est probable que l’issue de l’expertise vous sera favorable.

L’expertise judiciaire est rarement envisagée d’office. Elle n’intervient généralement qu’en cas de désaccord dans les expertises amiables ou lorsque les enjeux financiers sont importants.

L’expertise judiciaire a un coût et un formalisme particulier.

  • La rémunération de l’expert peut être importante et cette dépense doit être anticipée. Lorsqu’un juge désigne un expert, il prévoit la consignation d’une provision correspondant à tout ou partie de sa rémunération. Elle doit être versée par la partie à l’origine de sa désignation auprès du greffe avant que l’expert entame sa mission. Considérés comme des dépens de l’instance, les frais de l’expertise sont mis, en général, à la charge de la partie qui perd le procès. Cette somme peut donc vous être restituée en fin de procédure si vos demandes aboutissent. De plus, des frais d’avocat pour rédiger la requête au juge sont souvent nécessaires, même lorsque celui-ci n’est pas obligatoire.
  • Afin qu’elle se déroule dans de bonnes conditions, chaque partie doit pouvoir participer et faire valoir ses arguments à chaque étape du déroulement de l’expertise. Même si la désignation de l’expert peut se faire par le biais d’une procédure d’urgence (le référé expertise), c’est ensuite le juge qui fixe le délai dans lequel l’expert doit rendre son avis.

 Bon à savoir  Contrairement à une expertise amiable, la saisine d’un juge, même en référé, interrompt le délai de prescription. En matière de responsabilité décennale ou de garantie des vices cachés, la demande d’expertise judiciaire, même hors de tout procès, peut être utile à un plaideur qui veut éviter de se voir opposer la prescription.

3. Ma maison a été touchée par des intempéries. Je ne suis pas d’accord avec les conclusions de l’expert. Si je demande une nouvelle expertise, les frais ne seront pas à ma charge.

 Faux  Si une expertise réalisée à l’amiable ne vous paraît pas satisfaisante, il est possible de contester le rapport.

Pour vous opposer aux conclusions de l’expert, vous devez solliciter auprès de votre assureur une nouvelle expertise (une contre-expertise). Les modalités de sa mise en œuvre sont précisées dans votre contrat d’assurance habitation. Vous pouvez faire appel à un contre-expert (un expert d’assuré) de votre choix.

Dans la plupart des contrats d’assurance multirisque habitation, il est prévu que le contre-expert se mette en rapport avec l’expert initial afin qu’ils déterminent ensemble une position commune. Si ceux-ci n’arrivent pas à s’accorder, il est régulièrement indiqué le recours à une tierce expertise, ce qui signifie qu’ils demandent à un troisième expert de les départager.

Concernant les frais de la contre-expertise, c’est le contrat qui prévoit qui doit en prendre la charge. La plupart du temps, celui qui conteste l’expertise initiale paie le contre-expert. Dans le cas de la tierce expertise, les frais sont généralement partagés.

 Bon à savoir  Un expert d’assuré est un expert juridiquement et financièrement indépendant des compagnies d’assurances. Il vous assiste dans le cadre d’une expertise, d’une contre-expertise ou d’une expertise judiciaire afin de faire valoir vos intérêts.

→ Lire aussi Des experts sous influence et Experts en assurances – Des retours enflammés

4. Je dois prouver au vendeur ou au constructeur que mon véhicule est atteint d’un vice caché. Pour cela, je dois forcément faire une expertise par mes propres moyens.

 Vrai  En effet, il incombe à celui qui invoque l’existence d’un vice caché de le prouver. Pour cela, vous aurez souvent besoin d’un rapport d’expertise concluant à son existence. L’expert en automobile est un professionnel dont les compétences techniques lui permettent d’évaluer si les conditions du vice caché sont réunies.

Parfois, l’expert est proposé par votre compagnie d’assurances. C’est le cas lorsque vous bénéficiez par exemple des services d’assistance de votre protection juridique et que l’expertise intervient dans ce cadre. Néanmoins, vous devez conserver la possibilité de choisir votre expert.

Faute d’être couvert par votre protection juridique, il vous faudra effectivement trouver un expert par vos propres moyens.

Sachez qu’il existe une liste nationale d’experts en automobile sur le site Internet de la Sécurité routière. C’est une liste officielle tenue par l’administration contenant les nom, prénom, coordonnées et numéro d’agrément de tous les experts en automobile agréés pour exercer leur activité professionnelle. Nul ne peut exercer la profession d’expert en automobile s’il ne figure pas sur cette liste fixée par l’autorité administrative.

 Bon à savoir  Les honoraires d’un expert en automobile sont libres. Mais il est tenu à une obligation d’information sur les prix qu’il pratique envers ceux qui envisagent de faire appel à ses services. Le mode de communication des prix n’étant pas précisé, il demeure à la discrétion de l’expert. Néanmoins, il est recommandé de lui réclamer un devis avant qu’il commence ses opérations.

5. À ma demande, mon assurance de protection juridique a diligenté une expertise amiable. Toutefois, je crains qu’elle n’ait aucune valeur en justice.

 Faux  Tout d’abord, le résultat d’une expertise amiable peut parfois contribuer à faire évoluer les positions des parties et ainsi rendre inutile le recours au juge.

Ensuite si s’adresser au tribunal devient inévitable, une expertise amiable, contradictoire ou non, peut être produite en justice. Mais le juge ne se fondera pas uniquement sur elle pour prendre sa décision. Vous devez en effet être en possession d’autres éléments de preuve afin d’en corroborer le contenu.

Bien évidemment, l’expertise judiciaire demeure celle qui apporte au juge les plus grandes garanties de son bon déroulement, mais elle ne se justifie vraiment que dans les situations les plus importantes au regard de son coût et de sa durée (cf. l’affirmation n° 2 : « Ma maison réceptionnée il y a 3 ans présente des malfaçons. Pour défendre mes droits, il vaut mieux recourir dès à présent à une expertise judiciaire. »). Mais pour autant, le juge, lorsqu’il rend son jugement, n’est pas lié par les conclusions de l’expert.

 Bon à savoir  En justice, les parties doivent apporter la preuve des faits qui fondent leurs prétentions. Ces preuves peuvent consister en des écrits, des photos, des témoignages, des constats de commissaire de justice (anciennement huissier) ou des expertises. La partie qui n’est pas capable d’apporter au juge des preuves suffisantes risque de perdre le procès. Le juge apprécie souverainement la portée de celles-ci et peut, en cas de doute sur leur authenticité, les écarter des débats.

6. L’expert missionné par l’assurance peut proposer que votre voiture gravement accidentée soit réparée avec des pièces de réemploi.

 Vrai  Un expert automobile peut effectivement, avec l’accord du propriétaire du véhicule, préconiser l’utilisation de pièces de réemploi pour la réparation d’un véhicule endommagé. Ce ne sont pas de simples pièces d’occasion : elles proviennent de la destruction de véhicules hors d’usage, mais ont subi un reconditionnement.

Cette faculté est toutefois encadrée : elle ne concerne pas les organes de sécurité du véhicule (tels que les airbags et les ceintures de sécurité). Par ailleurs, la pose doit être faite par un réparateur qui peut toujours, pour des raisons de responsabilité, refuser l’utilisation d’une pièce de réemploi. Enfin, dans le cadre de la procédure des véhicules endommagés, l’expert est tenu de mentionner dans son rapport d’expertise final qu’une telle pièce a été utilisée. Parmi les avantages :

  • réduire l’impact environnemental ;
  • coût inférieur à celui des pièces neuves ;
  • éviter, en cas de sinistre important, que le montant des réparations soit supérieur à la valeur du véhicule et permettre ainsi de sauver le véhicule.

Le saviez-vous ?

Le statut de l’expert

Il n’existe pas de réglementation unique. Les experts amiables exercent leur profession dans un cadre qui peut être très variable en fonction de leur spécialité. Les experts automobiles ont un statut légalement établi, contrairement aux experts en assurance de dommages ou en assurance construction. Ils sont missionnés par un donneur d’ordre qui peut être une compagnie d’assurances ou un particulier.

L’expert judiciaire exerce en tant qu’auxiliaire de justice. Il doit être inscrit, après une procédure de sélection, sur une liste tenue par une cour d’appel. La Cour de cassation tient également une liste nationale. Il prête serment et demeure sous le contrôle du juge lors de l’exécution de sa mission. Un juge peut aussi désigner toute personne de son choix en justice.

Le médiateur des assurances ne peut pas remettre en cause le contenu d’un rapport d’expertise

Le médiateur des assurances a pour rôle de trancher des litiges entre les assureurs et les assurés. Mais il n’a pas les compétences techniques pour remettre en cause l’avis d’un expert automobile, un rapport d’expertise en matière de construction ou l’évaluation financière d’un dommage. Ce travail ne peut être entrepris que par des professionnels des domaines concernés. Il se prononce uniquement sur la bonne application juridique des garanties souscrites. La seule solution pour contester le contenu d’une expertise est donc la contre-expertise ou la voie judiciaire.

Les propositions du médiateur des assurances pour renforcer l’indépendance des experts d’assurance

L’indépendance des experts est parfois remise en cause par les consommateurs. En effet, même s’ils ne sont pas salariés d’une compagnie d’assurances, ils peuvent être perçus comme étant économiquement dépendants des assureurs. Pour remédier à cela, le médiateur des assurances propose dans son rapport d’activité 2022 :

  • d’organiser un système de désignation aléatoire de l’expert à partir d’une liste référencée par la profession ;
  • un renforcement des règles déontologiques ;
  • une explication et une clarification de la mission donnée à l’expert d’assurance ;
  • un encadrement des délais (intervention sous 15 jours à compter de la déclaration de sinistre) ;
  • un délai de 3 mois pour rendre le rapport, éventuellement prorogeable une fois.

Ces solutions pourraient contribuer à atténuer le sentiment de défiance des assurés dont l’UFC-Que Choisir fait également le constat.

La responsabilité de l’expert

L’expert peut, en cas de faute, voir sa responsabilité engagée vis-à-vis de celui qui l’a missionné (exemple : assureur), mais également de celui auquel son rapport est opposé (exemple : assuré ou justiciable).

Comme tout professionnel, il doit, au cours de sa mission, respecter différentes obligations (conseil, établissement d’un diagnostic, prescription de mesures conformes aux règles de l’art, etc.).

Pour engager la responsabilité d’un expert, vous devez démontrer qu’il a commis une faute qui vous a causé un préjudice.

Cette responsabilité peut être mise en jeu tant à l’égard de l’expert amiable que de l’expert judiciaire.

La responsabilité de l’expert a, par exemple, été retenue pour n’avoir pas pris la mesure de la gravité et du caractère évolutif d’un sinistre et avoir préconisé des travaux non susceptibles de corriger le dommage.

Glossaire

Expertise : examen technique réalisé par un expert dans un domaine précis.

Expert : personne choisie pour ses connaissances éprouvées et chargée de faire des examens, constatations ou appréciations de fait.

Expertise judiciaire : expertise décidée par un juge, se déroulant sous son autorité et menée par un expert qu’il a désigné.

Expertise amiable : expertise réalisée hors de tout procès. Elle a un caractère contradictoire si elle met en présence toutes les parties au litige, chacune pouvant faire valoir ses arguments auprès de l’expert.

Expertise individuelle : expertise réalisée unilatéralement à la demande d’une personne (particulier, assureur…), en dehors de tout procès et sans convocation de toutes les personnes concernées par le litige.

Expertise contradictoire : expertise amiable ou judiciaire réalisée après convocation de toutes les parties en litige. Elle est opposable aux parties.

Contre-expertise : expertise destinée à contrôler les conclusions d’une précédente expertise.

Tierce expertise : expertise intervenant en cas de contradiction entre les conclusions de l’expertise initiale et de la contre-expertise.

Référé-expertise : le référé est une procédure judiciaire d’urgence qui peut être utilisée en vue de solliciter du juge la désignation d’un expert même en dehors de tout procès.

Emmanuel Eslin

Emmanuel Eslin

Service d’information juridique

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