Les péages autoroutiers se sont renchéris de 3 % en moyenne au 1er février. Une augmentation inférieure à l’inflation qui fait néanmoins sursauter plusieurs parlementaires : pourquoi continuer d’enrichir des sociétés dont les bénéfices ont déjà pulvérisé toutes les prévisions les plus optimistes ?
La tradition du 1er février a été respectée. Pour circuler sur les autoroutes concédées de France cette année avec une voiture de classe 1, il en coûte 2,7 % de plus sur les réseaux Escota, ASF et Cofiroute (Vinci). Le réseau Sanef, du nord de la France, s’est pour sa part renchéri de 2,78 %, tandis que les autoroutes gérées par APRR et AREA (Eiffage) ont eu le droit d’augmenter leurs tarifs de 3 %. Voilà pour les grands réseaux. Les sociétés concessionnaires de moindre importance (A’liénor, Arcos…) font état d’augmentations dans des proportions similaires, tandis que les tunnels et ponts concédés connaissent une même tendance à l’inflation. Le viaduc de Millau, dans l’Aveyron, par exemple, exploité par Eiffage, a vu le prix de son passage bondir de 5,8 % au 1er février. Cette vague de hausses, attendue, est inférieure à celle de 2023, lorsque les prix des péages avaient grimpé de 4,75 % en moyenne.
Le sénateur Vincent Delahaye, qui avait dirigé une commission d’enquête sur la rentabilité des concessions autoroutières en 2020, n’a toutefois pas manqué d’attraper la balle au bond : « Scandaleux : les péages augmentent encore ! », a-t-il fait savoir dans un communiqué. « En 2023 et 2024, les péages augmentent en moyenne de 8 % (+4,75 % en 2023 et 3 % en 2024). Tandis que les charges d’exploitation des sociétés d’autoroutes ne progressent pas autant. Loin de là ! » Pour l’élu centriste de l’Essonne, « quand on concède un service à une entreprise, il faut la contrôler et prévoir des étapes de revoyure, qui n’existent pas actuellement. L’État ne fait pas suffisamment pression sur les sociétés d’autoroutes. »
Revenus mirobolants
Les superprofits des sociétés concessionnaires d’autoroutes, démontrés et dénoncés successivement par la Cour des comptes, divers rapports parlementaires et par l’Inspection générale des finances, devraient en partie être récupérés par l’État cette année via la création de la taxe sur les infrastructures de transport de longue distance. Imaginée pour frapper au portefeuille les sociétés les plus rentables, cette taxe coûterait environ 260 millions d’euros à Vinci et 120 millions d’euros à Eiffage. Impensable pour ces deux sociétés d’autoroutes, qui ont promis de porter l’affaire devant le Conseil d’État et le tribunal administratif. Le probable non-paiement de cette taxe viendra donc s’ajouter à celui de la taxe à l’aménagement du territoire (TAT), qui n’est plus honorée depuis 2020, puisque les sociétés concessionnaires n’apprécient pas les modalités de son calcul. Ce sont plus de 120 millions d’euros cumulés que les sociétés concessionnaires n’ont pas versé à l’État en 3 ans.
La veille de l’augmentation, la députée des Alpes-Maritimes Christelle D’Intorni a déposé une nouvelle proposition de loi sur les autoroutes concédées auprès de l’Assemblée nationale. « La réalité est que les revenus mirobolants (40 milliards d’euros d’ici 2030) générés sont réalisés sur le dos du pouvoir d’achat des automobilistes, s’offusque l’avocate, il y a désormais urgence à légiférer pour rendre du pouvoir d’achat aux Français au nom de la justice sociale. » L’élue souhaiterait ainsi instaurer une « clause de partage de la valeur » dans les contrats de concession.
Alors que les péages augmentent, il convient de ne pas oublier non plus que le prix du dépannage sur autoroute a connu une certaine fièvre en juillet 2023 : quasiment 5 % de plus !
Arnaud Murati