Deux décrets, dont l’un doit être publié dans les prochains jours et l’autre envoyé au Conseil d’État pour examen, cherchent à booster un peu plus les rénovations énergétiques d’ampleur, en facilitant le cumul des différentes aides possibles. Explications.
C’est une incitation de plus à se lancer dans les rénovations énergétiques d’ampleur, celles qui cumulent plusieurs gestes de travaux et permettent un gain d’au moins deux classes sur le diagnostic de performance énergétique (DPE).
Comme annoncé par le média en ligne L’Informé, deux décrets sont en cours de publication pour rendre plus faciles et plus attractives les aides financières sur ce type de rénovations. La réforme de MaPrimeRénov’, principal dispositif public d’aides à la rénovation énergétique, avait déjà beaucoup poussé dans ce sens au 1er janvier dernier, avec la création d’un parcours accompagné spécifiquement dédié à ces rénovations d’ampleur, forcément plus complexes et plus onéreuses que les monogestes de travaux. Mais aussi les plus efficaces en termes de baisse d’émissions de gaz à effet de serre.
Pour inciter les Français à les entreprendre, MaPrimeRénov’ accompagné prend en charge 80 % des dépenses dans la limite d’un plafond de travaux de 40 000 € hors taxe pour un ménage aux revenus très modestes. On passe à 60 % pour les revenus modestes, 40 % pour les intermédiaires et 20 % pour les aisés. Pas rien, sachant qu’un bonus de 10 % s’applique si le logement sort du statut de passoire énergétique (F et G au DPE) et que les plafonds de travaux augmentent dans le cas où la rénovation permet un bond de plus de deux classes au DPE.
Les taux d’écrêtement revus à la hausse
Mais MaPrimeRénov’ n’est pas la seule aide que peuvent obtenir les ménages pour une rénovation d’ampleur. Peuvent s’ajouter des aides privées mais aussi des subventions publiques locales. Il en existe une kyrielle que recense notamment l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil) (1). Toutefois, le cumul de ces différentes subventions n’est possible que jusqu’à un certain point. Le total ne peut ainsi dépasser 100 % du montant (TTC) des devis pour les très modestes, 80 % pour les modestes, 60 % pour les intermédiaires et 40 % pour les plus fortunés. Lorsque ces plafonds sont en passe d’être dépassés, un écrêtement est appliqué à MaPrimeRénov’. En clair : son montant baisse jusqu’à tomber dans les clous.
Prenons le cas d’un ménage aux revenus intermédiaires se lançant dans un chantier de rénovation énergétique à 30 000 €. À la clé : le gain de deux classes énergétiques, avec un passage de F à D sur le DPE et donc une sortie du statut de passoire énergétique. MaPrimeRénov’ accompagné couvrira alors 55 % du coût global de ses travaux. Soit 16 500 €. Le ménage peut également prétendre à une aide de sa commune de 5 000 €. Le cumul des deux atteint donc 21 500 €, soit un peu plus de 71 % du coût global de ses travaux, au-dessus donc du taux d’écrêtement aujourd’hui en vigueur pour cette catégorie de ménages (60 %). Le montant de MaPrimeRénov’ sera donc réduit de 3 500 € pour être dans les clous.
Des écrêtements quasi systématiques aujourd’hui ?
Les niveaux de plafonds actuels « induisent quasi systématiquement un écrêtement de l’aide MaPrimeRénov’ en cas de cofinancement », constate-t-on au cabinet de Guillaume Kasbarian, ministre du Logement. Avec pour effet, non désiré, que les collectivités locales sont alors incitées à réduire les montants des aides qu’elles proposent. C’est le premier objet des décrets en cours de publication : rehausser ces plafonds à partir desquels MaPrimeRénov’ est écrêtée. Un premier texte, d’ores et déjà signé et qui devrait être publié dans les prochains jours, relève ainsi ces seuils de 60 à 80 % pour les ménages aux ressources intermédiaires et de 40 à 60 % pour les ménages aux ressources supérieures. Ce nouveau barème entrera en vigueur au 1er janvier prochain. Si on reprend le même exemple avec ces nouveaux plafonds, ce ménage aurait bien pu recevoir un montant total d’aides de 21 500 € sans aucun écrêtement.
Pour les ménages aux revenus modestes, il est aussi prévu un relèvement de 20 % du taux d’écrêtement, qui passerait ainsi de 80 à 100 %. Mais ce sera l’objet d’un second décret, « qui sera publié plus tard après examen du Conseil d’État », précise-t-on dans l’entourage de Guillaume Kasbarian. Quoi qu’il en soit, il est prévu que ce nouveau taux s’applique lui aussi à partir du 1er janvier prochain.
Prêt à taux zéro et MaPrimeRénov’ plus facilement cumulables
Ce même décret soumis à l’examen du Conseil d’État entend aussi revenir sur les règles de cumul des aides MaPrimeRénov’ sur le parcours accompagné et le prêt à taux zéro (PTZ). Ce prêt bancaire subventionné par l’État est sans intérêt (seul le capital est à rembourser) et sans frais de dossiers. Il permet aux primo-accédants sous certains niveaux de ressources de financer jusqu’à 100 000 € l’achat de leur première maison. Depuis le 1er janvier, les barèmes ont été revus pour permettre à plus de Français d’être éligibles au PTZ. 29 millions de foyers fiscaux le sont, soit 6 millions de plus que précédemment, estimait le gouvernement au moment d’annoncer ces changements.
En revanche, depuis 2024, le dispositif ne peut être déclenché que pour l’accession à la propriété dans l’ancien. Une façon, pour l’État, de contenir l’étalement urbain et de favoriser l’achat de maisons à faible performance énergétique en espérant que des travaux de rénovation soient déclenchés derrière. Mais il y a un hic : dans le dispositif actuel, les ménages aux revenus modestes et très modestes doivent attendre 5 années après l’octroi d’un PTZ avant de pouvoir bénéficier des aides MaPrimeRénov’. Un délai dont ne pâtissent pas les ménages aux ressources intermédiaires ou supérieures. C’est cette distorsion que corrige le décret soumis à l’examen du Conseil d’État en permettant à tous les bénéficiaires d’un prêt à taux zéro de déposer sans délai une demande d’aides MaPrimeRénov’.
Fabrice Pouliquen