Des consommateurs découvrent à la mort de leurs parents que ces derniers payaient depuis des années pour un service de téléphonie qu’on leur avait fait souscrire abusivement.
En décembre 2022, le grand-père de Marie-Pierre décède. En se plongeant dans les papiers de son aïeul, la jeune femme découvre que celui-ci avait souscrit deux abonnements téléphoniques pour sa ligne fixe : l’un chez Orange, l’autre auprès d’une société qu’elle ne connaît pas : Monatel. « Au début, je transférais les factures au notaire pour qu’il les règle. J’ai commencé à me poser des questions quand Orange a clôturé la ligne et que Monatel non seulement ne donnait pas suite à mes demandes de résiliation, mais en plus continuait à envoyer des factures avec des montants différents, comme si la ligne était toujours utilisée. » Faute de pouvoir joindre un interlocuteur, Marie-Pierre finit par faire bloquer les prélèvements par sa banque et alerter l’association locale UFC-Que Choisir de Salon de Provence-Arles, qui parvient à faire stopper les envois.
Comme Marie-Pierre, des enfants, petits-enfants ou neveux découvrent, en se plongeant dans les documents administratifs de leurs aïeux, des abonnements à des opérateurs téléphoniques inconnus. Monatel est le nom qui revient le plus souvent, mais d’autres comme Resofix, E Télécom ou One Two Tel apparaissent aussi. Tous disent avoir eu du mal à mettre un terme à ces contrats.
Ces opérateurs de téléphonie, qui ont pour particularité d’être basés en Gironde, avaient défrayé la chronique il y a une dizaine d’années pour avoir démarché par téléphone des personnes âgées, dont certaines étaient sous tutelle ou atteintes de la maladie d’Alzheimer, afin de leur faire signer des contrats de présélection et ainsi prendre la main sur la facturation de leurs communications téléphoniques. Pour les faire souscrire, certains téléopérateurs n’hésitaient pas à abuser de leur confiance, allant même parfois jusqu’à se faire passer pour l’opérateur historique France Télécom.
10 ans de procédure
En 2014, au terme d’une enquête de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) de Bordeaux, une procédure judiciaire a été ouverte, au cours de laquelle 15 personnes ont été mises en examen. Les investigations ont mis au jour une organisation tentaculaire dans laquelle des équipes allaient jusqu’à proposer des solutions clés en main pour permettre à d’autres de monter des escroqueries à la présélection. Selon nos informations, cette enquête vient seulement de se clôturer. Un procès devrait se tenir, mais pas avant 18 mois. Certaines des sociétés incriminées ont été fermées et des suspects interdits de gérer, mais visiblement, d’autres sont toujours en activité.
Résultat : 7, 8 voire 10 ans après avoir été abusées, des personnes âgées continuent de se faire extorquer de l’argent en toute discrétion. « Les prélèvements duraient au moins depuis 2017, s’indigne Marie-Pierre. À raison de 10 à 40 € par mois, mon grand-père s’est fait voler plusieurs milliers d’euros. » Malheureusement, il n’est pas le seul.
Assainissez les comptes de vos aînés
Si vous découvrez, sur le compte d’un de vos aïeux, des prélèvements émanant d’un opérateur téléphonique suspect, voici la marche à suivre :
- Envoyez un courrier de résiliation en recommandé avec accusé de réception à la société.
- Sans réponse de sa part, ou si vous ne parvenez pas à trouver ses coordonnées, demandez à la banque de stopper les prélèvements.
- Il vous sera difficile de récupérer les sommes versées, sauf à prouver en justice la pratique commerciale trompeuse ou l’abus de faiblesse. Vous pouvez toutefois vous tourner vers la banque pour tenter de récupérer les sommes versées dans les 13 derniers mois (art. L. 133-24 du Code monétaire et financier).
Cyril Brosset