Alors que l’UFC-Que Choisir a déposé en novembre un recours contre l’État pour inaction sur l’accès aux soins (1), les Sages de la rue Cambon dressent eux aussi, dans un rapport paru le lundi 13 mai (2), un constat sans équivoque sur la politique des autorités en termes d’accès aux soins de premier recours depuis les années 1990 : elle est chaotique, voire carrément défaillante.
La Cour part du constat d’une dégradation de l’accès à ces soins, et de la gravité de la désertification médicale en cours, en soulignant l’aggravation des inégalités territoriales, l’allongement des délais pour obtenir un rendez-vous, l’augmentation de la part de patients sans médecin traitant, et de médecins n’acceptant pas de nouveaux patients. Rien qui ne puisse vraiment me surprendre, puisqu’il s’agit de maux sur lesquels nous mettons des chiffres depuis plusieurs années.
Autre point du rapport rejoignant les propres constats et analyses de l’UFC-Que Choisir : les magistrats financiers pointent du doigt la nonchalance des autorités pour mettre fin à ces problèmes, celles-ci ayant empilé des mesures inefficaces depuis la fin des années 1990, et surtout sans objectifs clairs ni vision globale. Les sages qualifient les mesures adoptées par les autorités pour répondre à la dégradation de l’accès aux soins primaires de « successives, peu coordonnées et de moins en moins orientées vers les territoires qui en ont le plus besoin ». Un constat sans appel et très critique des politiques publiques, que je ne peux que partager (et que d’ailleurs nous avions partagé par anticipation, puisque l’UFC-Que Choisir avait été auditionnée par la Cour dans le cadre de l’élaboration de son rapport).
Les magistrats financiers appellent en outre à une politique de réduction d’inégalités sociales et territoriales de santé par les autorités centrales (ministère de la santé et caisse nationale d’Assurance maladie), et un ciblage de la politique d’embauche d’assistants médicaux en fonction des priorités territoriales.
Sur la question spécifique de la répartition des médecins, les Sages de la rue Cambon souhaitent « encourager » les médecins à venir exercer à temps partiel dans les zones les plus déficitaires, et à plus long terme « conditionner » l’installation dans les zones les mieux dotées à une activité à temps partiel dans les zones les moins bien dotées. Certes, la Cour ne va pas aussi loin que la mesure prônée par l’UFC-Que Choisir, consistant à mettre en place pour l’installation des médecins un système à l’image de la régulation de l’installation des autres professions soignantes libérales (infirmières, sages-femmes, etc.). Pour notre association, il faut clairement mettre en place un conventionnement territorial des médecins, ne leur permettant plus de s’installer dans les zones les mieux dotées (pas plus d’une arrivée pour un départ dans ces territoires, sauf exception pour permettre à des spécialistes respectant le tarif de base de la Sécurité sociale de s’installer là où leurs confrères facturent massivement des dépassements). Pour autant, la Cour des comptes recommande clairement et publiquement de remettre en cause le principe actuel de liberté totale d’installation des médecins, ce qui constitue tout de même une satisfaction.
Sur la base de ce rapport de la Cour des comptes, le combat de l’UFC-Que Choisir pour les patients continue plus que jamais ! Dans l’attente du verdict du Conseil d’État sur notre recours, pour les lecteurs qui ne l’auraient pas encore fait, j’invite à consulter notre dernière étude sur l’accès aux soins, constater la situation de leur commune sur notre carte interactive des déserts médicaux, mais aussi signer et faire signer notre pétition sur l’accès aux soins, qui a déjà recueilli près de 130 000 signatures.
Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l’UFC-Que Choisir