Malgré l’urgence écologique, voilà trois ans déjà que l’on attend l’arrivée d’un affichage environnemental sur les aliments. Ce regrettable retard s’explique par les difficultés qu’ont eu les pouvoirs publics à corriger l’analyse de cycle de vie (ACV), un outil de mesure mal adapté aux spécificités des productions agricoles et alimentaires. Afin de faciliter l’émergence d’un affichage véritablement utile pour les consommateurs et basé sur une méthodologie incontestable, l’UFC-Que Choisir entend porter ses propositions au ministère de la Transition écologique, aux côtés de 10 associations environnementales et de bien-être animal.
En 2020 la loi antigaspillage et économie circulaire (AGEC) introduisait le principe d’un affichage environnemental sur les aliments, une information cruciale alors que l’alimentation représente 16 % de notre bilan carbone, contribuant ainsi au changement climatique. Cette information doit permettre aux consommateurs d’identifier les produits plus durables, elle incitera également les industriels à modifier leurs procédés de fabrication et le monde agricole à s’engager plus massivement vers la transition écologique. C’est pourquoi l’UFC-Que Choisir, comme l’ensemble des organisations de consommateurs et de défense de l’environnement, s’est félicitée du principe de cet affichage… mais du principe seulement. En effet, la loi AGEC demande que les scores des aliments soient calculés à partir de l’analyse de cycle de vie, une méthodologie mal adaptée aux spécificités de l’alimentation et dénoncée par certaines professions agricoles et alimentaires, par les ONG et tout récemment par des scientifiques.
Dans un récent rapport, des experts de la transition écologique et de l’agronomie, réunis au sein du CESIAe, insistent sur le fait que l’ACV n’est pas le bon outil de mesure pour alimentation, en premier lieu parce qu’elle ne sait pas mesurer -ou très mal- les services qui sont rendus par les écosystèmes, les impacts sur la biodiversité ou la santé humaine. Les scientifiques recommandent donc d’ajouter des mesures d’impact issues d’autres disciplines scientifiques, très peu mobilisées jusqu’à présent : l’écologie, l’agronomie, la toxicologie… Ils rappellent également que l’ACV attribue systématiquement les meilleures notes aux produits issus de l’agriculture la plus intensive, mais aussi la plus polluante et la plus dévastatrice pour l’environnement. Certes, sous la pression des ONG, l’Ademe a déjà corrigé cet outil en ajoutant des bonus pour remonter la note des productions vertueuses telles que l’agriculture biologique. Pourtant, l’ACV même après avoir intégré ces correctifs, reste encore un outil très imparfait. C’est ce que nous dit l’IDDRI, un think tank spécialisé dans le développement durable. En effet, si les ACV permettent de différencier l’impact entre les différents produits d’origine animale (les produits laitiers sont mieux notés que la volaille qui est mieux notée que le bœuf), pour les produits végétaux en revanche, toutes les notes étant dans un mouchoir de poche, on est dans l’incapacité de faire la différence entre une pomme bio et une pomme conventionnelle bourrée de pesticides, un comble !
Forte de ces constats, l’UFC-Que Choisir entend porter prochainement ses propositions au ministère de la Transition écologique, au côté de 10 associations environnementales et de bien-être animal (1), pour un affichage environnemental enfin opérationnel. Celui-ci devra être basé sur une méthodologie robuste, mesurant véritablement l’ensemble des impacts spécifiques aux productions alimentaires et devra être construit dans le cadre d’une démarche transparente et concertée, intégrant pleinement les acteurs de la société civile à la gouvernance du futur score.
Notes
1. Agir pour l’Environnement, Déclic, CIWF France, Fondation pour la Nature et l’Homme, France Nature Environnement, Générations Futures, Greenpeace, Noé, Réseau Action Climat, WWF.
Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l’UFC-Que Choisir